Montessori, maîtrises, écoles privées religieuses... que reste-t-il à l'école publique gratuite ?
Nathalie Felciai, créatrice de Jeanne Poésie, répond aux questions des lectrices de Maman Travaille !

Première rentrée des classes pour la maîtresse d’école. 24h dans sa peau...

Maitresse_d_ecole

7H Mon Réveil sonne et mon cœur bat au rythme des « bips bips » que je m’empresse d’éteindre. Le jour le plus important de ma vie, c’est aujourd’hui. Il faut vous expliquer que, à la base, mon père est prof d’histoire et ma mère a longtemps été « institutrice ». J’ai donc été triplement élevée par l’éducation nationale: à l’école, avec ma mère, et avec mon père. Dans ma famille, j'avoue en rigolant que nous n’avons pas beaucoup d’imagination pour travailler : ma grand-mère a été institutrice au Maroc dans les années 50, ma tante est prof de français, mon grand oncle était doyen de la fac d’Italien, mon autre tante est prof de maths… Bref, je n’ai pas mis longtemps à me choisir une voix, puisque depuis toute petite, j’ai l’impression que ma place est "de l’autre côté du bureau". J’avale un chocolat chaud et, au moment de me brosser les dents, je me regarde dans le miroir en essayant de répéter : « Je suis votre nouvelle maîtresse ».

8H Je suis dans le train qui m’amène dans la petite ville où je dois faire ma première rentrée des classes en tant que nouvelle maitresse. Pour en arriver à ce jour, j’ai du obtenir une licence de Français langues étrangères, dont une partie suivie à l’étranger, justement, et passer un concours. Mes camarades sont passés par l’IUFM mais je l’ai préparé en candidate libre. Je dois vous avouer que j’ai raté le concours. Qu’est-ce que je fais là ? me demanderez-vous. Eh bien, ceux qui réussissent le concours partent pour un an de formation, et ceux qui le ratent sont sur une « liste complémentaire » qui leur permet d’obtenir.. un poste ! Effarant, non, de savoir que vos enfants sont confiés à des enseignants non formés ? Au moment de l’attribution des places, on nous a même proposé des postes d’éducateurs spécialisés, pour travailler à la réinsertion de prisonniers ! Comme si moi, 23 ans, 1m60 et 55 kilos, jamais entendu parler de réinsertion, j’allais faire ça ! On m’a ensuite proposé une classe unique dans un bled à 60 kilomètres de toute ville : j’ai répondu que j’aimerais bien ne pas me pendre cette année… Je suis donc l’institutrice d’une classe d’élèves non francophones. Mon train arrive en gare.

9h35 Ma valise est plus lourde que prévu, (On est nommé dans une ville de la région, et je suis tombée à une heure de train de chez moi) je dois dormir dans un foyer pour jeunes fonctionnaires, mais je suis en retard et n’ai pas le temps de poser mes affaires. J’arrive donc essoufflée en salle des maîtres, et quand j’ouvre la porte, quinze paires d’yeux se tournent vers moi.

10h30 En fait, je n’aurais pas d’élève aujourd’hui, car ils doivent répertorier les enfants non francophones d’abord. J’ai déjà fait un stage de ce type en Espagne, où j’enseignais le français à des fils de consuls, d’ambassadeurs, d’industriels expatriés. Je prépare mes cours et je visite l’école.

11h Mes premiers élèves arrivent. Ils sont 3 Turcs et 2 Roumaines. J’apprends qu’il y a une forte communauté Rom dans cette ville, et que la majorité de mes élèves parleront Roumain. Je n’en parle pas un mot, mais nous nous débrouillerons en Anglais ou en Espagnol !

12h Je vais déjeuner ; mes collègues mangent dans la salle des maitres ou à la cantine, mais j’ai besoin de prendre l’air. Pendant une heure, les élèves n’ont rien écouté, ils se sont levés, les filles se sont fait des tresses, les garçons ont regardé par la fenêtre en parlant Roumain entre eux. Je me sens un peu dépassée. J’en profite pour aller déposer mes affaires au foyer ; autre mauvaise surprise : je suis toute seule ! Le foyer n’ouvre officiellement que fin octobre, pour quelques jours, grâce au piston dont j’ai bénéficié je peux m’y installer.

15h Cinq nouveaux petits élèves me sont amenés, une Portugaise dont la mère est plus jeune que moi,(!) deux autres Roumaines, un Chinois et une Marocaine. La petite Marocaine ne cesse de me répéter : « t’es trop belle, madame » ce qui me met un peu de baume au cœur. Le petit Chinois n’est pas très coopératif, j’ai passé une heure à lui faire répéter « bleu » sans même qu’il ouvre la bouche. Surtout, ne pas faire de crise de nerfs le premier jour ! On est loin des fils d’ambassadeurs, sosies d’Aignan du petit Nicolas, qui se battaient pour aller au tableau !

15h30 La conseillère pédagogique, « conseillère péda » comme on dit, m’annonce qu’elle viendra le lendemain dans ma classe pour voir comment je m’en sors. Je stresse un peu car j’enseigne vraiment au feeling n’ayant reçu aucune formation. J’espère qu’elle sera tolérante et aura de bons conseils à me donner !

16h30 La classe est finie, mais je dois attendre que tous les parents soient venus chercher leurs enfants, âgés de 7 à 11ans pour partir. Vers 17 heures, tous sont retournés vers leurs pénates. La mère de la petite Portugaise m’a dit qu’elle ne voyait pas l’intérêt d’apprendre le français et qu’elle ne pensait pas laisser sa fille dans la classe. Je n’ai pas su quoi lui répondre ; heureusement, la mère de la petite Marocaine m’a dit elle aussi qu’elle me trouvait belle et que j’avais de beaux yeux. Je sens qu’elle aura de bonnes notes – je plaisante ! Le contact avec les élèves est un peu difficile au début, mais à la fin de la journée je suis déjà très attachée à eux et j’ai hâte de les retrouver et surtout de voir leurs progrès !

17h Je suis de retour chez moi enfin, au foyer. Je ne connais personne dans cette ville. Même une fois les copies corrigées, je vais en avoir du temps libre à occuper, sans famille, sans ami… Je ressors et je m’inscris à des cours de dessin, de sport, de danse, et tant que j’y suis, au permis : ça me sera utile l’an prochain si je suis mutée dans un bled paumé !

19h Je prends ma douche assez angoissée, le foyer vide fait hospice désafecté et je m’aperçois que si un psychopate rentre, personne ne m’entendra crier…

20h45 Mon coup de flip est passé, j’ai relu mes livres de pédagogie, (à ce propos : ne prenez pas les livres de l’IUFM pour la Bible : ils sont écrits par des gens qui n’ont pas mis les pieds dans une classe depuis vingt ans… !) appelé mon amoureux pour lui raconter ma journée, et même pris deux rendez-vous pour visiter des appartements. Cette première journée a été riche en émotions. Connaitre son affectation la veille pour le lendemain est un peu stressant ; mais globalement je suis contente.

23h Je vais me coucher. Certaines rêvent d’être première danseuse étoile ou de présenter le JT de TF1… Moi, j’ai attendu 23 ans de devenir PE, prof des écoles, comme on dit maintenant, alors je compte bien en profiter !

Chronique en partenariat avec la rubrique "24 heures dans la peau de..." du webzine Les Pasionarias, le 1er féminin sans pub, sans régime et sans Paris Hilton.

Vous aussi, envoyez-nous vos "24h" à [email protected]

Commentaires

Flux Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.

Lily de la boutique

tout mignon !

Camilla Gallapia

C'est très très émouvant comme récit !

Mais je suis scandalisée qu'on puisse proposer de tels postes à des jeunes non formés et non diplômés !

thermaline

émouvant c' est vrai.Manque de formation à la pédagogie certes mais cette jeune femme a quand même une licence de français...Dommage que l' on retrouve alors 3 fautes d' orthographe dans ce texte !!!
Bon courage pour la suite.
PS on choisit une voie (et non sa voix que la nature nous donne) , un lieu est désaffecté(avec 2 "f" et psychopathe prend un 2°"h" du grec pathos maladie

cathy

oui 3 fautes d'orthographe ce n'est rien malheureusement par rapport à la dizaine de fautes dans le dossier de rentrée du ministre!!visiblement cette jeune femme sera une enseignante impliquée travailleuse et humaine, bravo pour son courage!!!

Klervi

Super touchant ...
Et bon courage ...

moi

sege kuki
pour les ortograph
nobady is perfect in this word

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.