A chaque fois que j'accompagne une sortie scolaire, je suis emplie d'admiration pour les enseignant-es et professionnel-les de la petite enfance. C'est bien sûr un moment pour observer son propre enfant, mais surtout, je trouve, pour se faire une idée de son environnement...
Hier, j'ai accompagné une sortie jardinage avec la classe d'une de mes filles, ce qui a été l'occasion de recevoir les confidences d'enfants de la classe:
- ma maman elle est en arrêt maladie mais elle n'est pas vraiment malade, c'est que son patron est un con
- mon papa il dit qu'on peut remettre ses chaussettes plusieurs jours parce que ça ne se voit pas tant que ça ne sent pas trop mauvais
- ma maman elle appelle mon papa "petit poulet d'amour"
- la baby sitter Karine elle essaye les chaussures de maman et elle se fait des masques mais faut pas le dire à maman
Il y a environ 1 an 1/2 j'ai commencé à m'engager politiquement dans ma ville, Le Mans. J'ai été élue adjointe au Maire, déléguée à l'égalité. Je n'en parle presque jamais sur ce blog. Parce que depuis 8 ans, je considère avoir une sorte de contrat tacite avec les lectrices et lecteurs, qui viennent ici lire des posts sur la conciliation vie professionnelle / vie familiale, l'actualité et les événements du réseau Maman travaille, des livres qui en découleraient, des conseils et des partages de mères actives... pas nécessairement mon programme pour les élections ou un compte-rendu de mes activités d'élue.
Dimanche 22 et 29 mars ont lieu les élections départementales. J'y suis candidate, en binôme avec Stéphane CHEVET. Nos suppléants sont Jean-Marc LAFFAY, vice président de la CCI 72, père de trois enfants, et Catherine PHE, médecin chef, mère de trois enfants. Nous avons passé plusieurs mois à bâtir un programme concret, avec les gens. Mais je ne vais pas vous détailler ici ce programme.
Ce que je voulais vous dire, c'est que les élections départementales vous regardent.
Quelle que soit votre couleur politique, ces élections vous concernent car les futurs Conseils départementaux, dont les contours ont été redessinés, ont par exemple la charge de (dans un ordre non nestorien):
- organiser la question des assistantes maternelles: rencontre avec les familles, agréments, suivi, liens etc
- être chef de file concernant la lutte contre les violences faites aux femmes (hébergement par exemple)
- s'occuper de l'offre médicale, en luttant contre la désertification le cas échéant (qui a déjà galéré pour trouver un RDV chez un médecin rapidement sait de quoi il s'agit)
- prendre en charge la solidarité, notamment entre les générations, l'accompagnement des aidants de personnes dépendantes
Les titres de posts de blogs ont un nombre de caractères limités, alors je dis nouveau, j'ajoute des guillemets, et je vous explique pourquoi.
Longtemps, je n'ai pas dit "je suis féministe", pas parce que je ne voulais pas le dire, mais parce que je ne pensais pas l'être et que le mot me semblait être un "chèque en blanc" à trop de choses que je ne cautionne pas.
Je ne pensais pas "mériter" le mot. En 2010, vigilante des Etats généraux de la femme pour ELLE, on me demande si je suis féministe. Je réponds non, ce serait prétentieux de m'auto qualifier de féministe, et puis que fais-je en comparaison aux femmes qui ont créé des lois pour l'IVG ? La journaliste a traduit par "Oui j'assume être féministe." Et pourquoi pas, après tout.
Pour moi, il n'y a pas de NOUVEAU féminisme. Il y a une philosophie traduite en actes de l'égalité entre les hommes et les femmes. On me dit souvent que j'incarne un nouveau féminisme, c'est gentil, j'imagine, mais je n'ai pas la prétention d'incarner quoi que ce soit et encore moins celle de porter un courant féministe à moi seule.
Il n'y a pas de nouveau féminisme, il y a un féminisme, pluriel, multiple, durable, aussi divers que les femmes au pluriel (et pas LA femme). Ce féminisme est en mouvement, comme le genre humain, et chaque nouvelle féministe, militante, lanceuse de courant, activiste ou féministe de la vie de tous les jours, en est un prolongement, une suite, une adaptation.
Nous bénéficions toutes des combats qui nous ont précédé, nos modes de communication s'adaptent à notre époque, mais aucun "pop féminisme" ne serait possible sans Virginie Despentes avant, aucun Maman travaille sans Elisabeth Badinter avant.
Nous sommes en mutation permanente, comme le genre humain, nous évoluons, le féminisme est Darwinien, il s'adapte pour survivre. Le cliché de la féministe moche mal baisée poilue, et j'en passe, n'a plus cours à l'ère de Beyoncé et d'Instagram.
L'association One Million Moms, équivalent américains de Make Mother Matters, si on veut résumer très rapidement, demande l'interdiction du dessin animé SheZow, rapportent le blog du Monde Big Browser et le site Slate. SheZow, c'est l'histoire de Guy, jeune élève, se transformant en fille à talons et maquillage la nuit. Tous les parents qui autorisent leurs enfants à regarder Guli connaissent bien ce générique entêtant (qui a dit pénible ?)
De là à y voir l'horrible "main du lobby LGBT" (surnom dont j'ai écopé au Conseil Municipal du Mans de la part de l'élu Front national) il n'y a qu'un pas que certaines associations franchissent facilement. Pourtant, si l'on doit voir un "message de fond" à travers le dessin animé SheZow, est-ce vraiment "devenez transgenres les enfants ?"
Je demande aux premiers intéressés: les enfants. Mes enfants et quelques copines trouvent SheZow: marrant. "Et en quoi c'est intéressant qu'il soit parfois fille et parfois garçon ?" "Parce que les gens le voient différemment." répondent en choeur les enfants. "Est-ce que tu crois qu'un garçon peut devenir une fille comme SheZow ?" "Ben non, je crois pas non plus qu'on puisse avoir les cheveux bleus" répond une des copines. Si SheZow est une forme de propagande transgenre, elle ne semble pas très efficace.
"La vraie histoire c'est que la tante de SheZow était une héroïne, et SheZow est comme sa tante !" précise-t-elle. Quel enfant garçon n'a jamais entendu qu'il ressemblait à sa mère, et vice versa ? Ce serait juste une mise en perspective de ces traits communs, un fantasme...
En France, quelques voix commencent à approuver la demande d'interdiction du dessin animé SheZow.C'est encore le blog BigBrowser du Monde qui en révèle l'existence: 72 personnes, derrière une mère de famille, réclament la non diffusion de ce dessin animé "inadapté pour les enfants." Une rapide recherche nous montre aussi qu'il y a près de deux ans, un forum de discussions en ligne avait initié un sondage SheZow, adapté pour les enfants ? Oui, à 67%.
En fait, la révolte n'est pas si récente, si l'on en croit un article canadien, mettant en exergue la demande d'interdiction de SheZow aux Etats-Unis émanant cette fois semble-t-il d'une association de défense des personnes LGBT, sous prétexte que "il enseigne aux enfants comment être transgenre, et dit qu'être transgenre c'est cool, mais sans préparer aux violences."
L'interdiction a peu de chances d'aboutir, si l'on considère qu'en 2013, le leader d'un mouvement conservateur en avait déjà demandé l'interdiction, comme le rapportait le site YAGG, sans succès. Entre temps d'ailleurs, SheZow est arrivé en France...
Mais à mon sens, ça dénote surtout une méconnaissance des dessins animés.
Que dire de Lady Oscar, née fille mais élevée et déguisée en garçon par son père ?
Que dire de Ranma 1/2 "moitié soleil et moitié pluie", dessin animé qui présentait une garçon transformé en jolie fille au gré de ses journées ?
Quand j'étais enfant, nous regardions aussi une série dont le nom m'échappe, au sujet d'une fille qui se transformait en flaque. La main du lobby de l'eau potable, peut-être ?
Comme tous les enfants nés dans les années 80, il m'est arrivé de regarder Lady Oscar. J'adorais et l'identification marchait à plein. Pour moi, il s'agissait non pas d'une histoire de personne transidentitaire, mais d'une fille qui entend avoir des loisirs et un métier d'homme. Bref, un genre de fable féministe, dont le message est que finalement, au-delà de la biologie, chacun/e peut choisir sa vie. "Elle maniait si bien son épée qu'on n'osait la défier, et quand on lui cherchait querelle elle se battait en duel !" Quelle merveilleux scénario offert aux petites filles qui en ont marre des histoires de prince charmant ! Regarder Lady Oscar ne m'a pas transformé en homme, ça m'a juste permis d'avoir d'autres modèles médiatiques que Cendrillon, qui passe la serpillère en attendant le prince. (UN MAX DE FUN).
Ranma 1/2 me laissait plutôt perplexe en revanche, je crois que j'ai du tomber dessus une fois ou deux par hasard et n'ai pas compris l'intrigue. Toujours est-il que les dessins animés sont remplis de transformistes, hommes en femmes, enfants en adultes, enfants en animaux... D'ailleurs, dans Ranma 1/2, sa famille se transformait aussi en pandas. Et après tout, si Ranma ou SheZow permettent à des enfants mal dans leur sexe de naissance de s'interroger et de parler de cela avec leurs parents, quel est le problème ?
Mais au-delà de ça, les dessins animés pour enfants n'ont pas toujours de message, de but caché, de symbolique à chercher... Si Bruno Bettelheim a mené ce travail d'interprétation des contes de fées, il n'est pas certain que le pool de scénaristes de SheZow se soit demandé si une pantoufle de vair revêtait une symbolique phallique. A l'âge où les enfants sont en construction identitaire (Suis je blond ? blanc ? noir ? d'où viennent mes parents ? pourquoi ai-je les oreilles décollées ? suis-je nul en math ?) et où ils abordent la période dite "de latence", les dessins animés leur offrent parfois simplement un monde imaginaire et rêvé où tout est possible, alors qu'eux-mêmes sont confrontés à leurs propres limites.
Je comprends parfaitement que des parents puissent trouver inappropriés pour leurs enfants certains programmes. C'est aussi mon cas. J'ai interdit, chez moi, certaines émissions à mes enfants, pour des raisons qui appartiennent à mes valeurs éducatives, que je n'impose à personne. Quand j'étais enfant d'ailleurs, mes parents m'interdisaient de regarder les séries AB du Club Dorothée qu'ils jugeaient bêtifiantes. Dans ce cas, il est possible de faire cette chose incroyable et inédite, visiblement un peu compliquée pour certains parents râleurs: éteindre la télévision.